Intervention de Philippe Vigier

Réunion du lundi 30 octobre 2023 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Philippe Vigier, ministre délégué :

Pour ce qui est des prix et de la vie chère, certaines mesures sont prévues. Il s'agit d'abord de la réforme de l'octroi de mer, qui fera l'objet d'une concertation et d'une coconstruction, et qui ne viendra pas tout droit de Bercy ni du ministère de l'intérieur et des outre-mer. J'enverrai à tous les territoires, comme je m'y suis engagé, une maquette de l'octroi de mer, territoire par territoire puisqu'il diffère d'un territoire à l'autre. On verra ainsi quelle est sa part, par qui il est levé, à qui il revient – aux communes ou aux régions ? –, quel est le niveau de TVA et comment elle s'applique, afin que chacun puisse en comprendre le fonctionnement. Une démarche sera ensuite engagée dans chaque territoire dans le cadre d'un groupe de travail organisé autour du préfet, et tous les parlementaires y seront associés. J'ai été assez longtemps membre de votre assemblée pour savoir que les parlementaires doivent être présents à tout moment pour pouvoir se saisir des questions qui se posent.

Le problème du prix du carburant, qui se pose notamment aux Antilles et en Guyane, est un chantier que je démarre, comme le savent en particulier les élus guyanais.

La mission visant à identifier et combattre les monopoles économiques outre-mer n'est pas d'un coup de bluff, comme certains ont voulu le dire. Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et moi-même avons signé un courrier qui permettra à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur la base d'une lettre de mission gouvernementale, de nous éclairer sur ce problème. J'ai cru comprendre durant mes déplacements que cette annonce n'était pas toujours reçue avec une grande chaleur, mais nous irons au bout de la démarche, parce que les monopoles sont bien là.

En matière d'aide aux intrants et d'aides aux agriculteurs, un plan avait été proposé par la Première ministre lors de son déplacement à La Réunion au mois de mai et, lorsque je me suis rendu en Martinique, j'ai annoncé que certains agriculteurs pourraient en bénéficier.

Pour ce qui est enfin de l'emploi, un seul territoire – La Réunion – avait été désigné pour l'expérimentation de France Travail, mais je souhaite désormais élargir très rapidement l'expérimentation aux autres territoires.

Vous avez enfin dit que l'opération Wuambushu était une opération de communication, mais le processus est engagé et se poursuivra. Nous aurons démoli plus de 1 300 habitats totalement insalubres – que, du reste, nous reconstruisons. On peut toujours faire plus et mieux, certes, mais reconnaissez au moins qu'il a fallu un peu de courage et de détermination pour ces opérations. Le ministre de l'intérieur a été présent au rendez-vous.

Je remercie M. Nilor pour la tonalité de son intervention et pour avoir souligné à juste titre que le montant de la LBU est revenu à son niveau de 2010, où il était de 289 millions. La baisse du montant était liée à un problème de consommation des crédits : il faut consommer les crédits. Ne m'accusez pas, monsieur Kamardine, de ne pas être le bâtisseur, car ce sont les collectivités et des organismes d'État, publics ou parapublics, qui interviennent dans ce domaine – à moins, bien sûr, que vous ne vouliez que nous nationalisations tout, mais il me semble que vos convictions politiques vont plutôt vers la décentralisation.

Il faut des plans pluriannuels, certes, et j'en ai demandé un lorsque je me suis rendu à La Réunion. Je sais toutefois que cela pose question en Guyane et en Guadeloupe, compte tenu notamment du problème de foncier qui se pose en Guyane. J'ai proposé au président de la délégation aux outre-mer, M. Rimane, qui est à côté de vous, d'en reparler, car je voudrais connaître l'approche des parlementaires sur ce point. Les collectivités et l'État – qui est propriétaire de 95 % du foncier – ont un rôle important, mais ce n'est pas de raison pour que nous ne puissions pas trouver ensemble des solutions.

Vous m'avez aussi interpellé à propos des risques majeurs, et vous avez bien fait. Comme vous l'avez vu, j'étais sur place le lendemain de la tempête Philippe, à la demande du Président de la République, de la Première ministre et de Gérald Darmanin. Nous avons déclenché immédiatement le plan catastrophe naturelle et vous pouvez aussi utiliser les fonds Barnier, qui sont disponibles.

Quant au régime spécifique d'approvisionnement, ou RSA, il n'est pas acceptable que le niveau n'en ait pas été revalorisé et nous avons entamé à ce propos des discussions au niveau interministériel. Je rappelle toutefois que, pour ce qui est des aides agricoles, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei) est toujours fixé à 320 millions et la France peut apporter une aide complémentaire, qui passe de 45 à 60 millions d'euros dans le budget pour 2024, ce qui représente un effort supplémentaire, même si cela ne règle pas le problème du RSA. Je vous remercie d'avoir appelé notre attention sur ce point – vous êtes le seul à l'avoir fait. Je vous tiendrai informé de l'évolution de ce dossier.

Je conclurai en évoquant la proposition de résolution que vous préparez. Elle devra s'inscrire dans une niche parlementaire et je ne doute pas que vous saurez user de votre poids pour qu'elle y figure en bonne place, afin qu'elle puisse être entendue. Je serai heureux d'être au banc des ministres pour vous répondre.

Monsieur Kamardine, nous nous voyons régulièrement et j'imagine que nous allons encore passer deux jours ensemble à Mayotte. Vous avez reconnu dans la presse locale que mon engagement n'était pas feint, en déclarant que nous commencions enfin à nous donner des moyens. Vous êtes d'ailleurs venu me demander l'autre jour comment nous pouvions être plus efficaces. Je vous le répète : l'État ne peut pas tout faire seul. Il ne peut pas donner d'instructions aux syndicats des eaux ou aux autres structures chargées de l'assainissement ou des routes pour ce qui relève de leur compétence. Il y a certes du retard à Mayotte où, dans le domaine de la santé, nous devons tenir la promesse présidentielle de la construction et de l'agrandissement de l'hôpital de Mayotte. J'ai d'ailleurs écrit à Aurélien Rousseau pour demander un programmiste afin d'entrer dans les phases actives. Vous voyez donc que je vais dans votre sens.

Pour ce qui est de l'eau, en revanche, j'imagine que je vous retrouverai sur mon chemin – mais nous serons alors côte-à-côte, et non pas face-à-face comme aujourd'hui. Vous avez évoqué à juste titre les crédits mobilisés, mais je vous rappelle que, dans le cadre du précédent CCT, pour la période 2019-2022 – vous ne m'en ferez pas reproche, puisque je n'étais pas en responsabilité –, sur 70 millions prévus, 30 millions ont été engagés et 8 millions seulement ont été payés Ne reprochez pas à l'État, lorsqu'il met de l'argent sur la table, que les crédits de paiement ne suivent pas.

Quant aux 411 millions destinés à l'eau, travaillez avec moi à apporter enfin aux Mahorais la réponse qu'ils méritent. Je l'ai dit à plusieurs reprises à Mayotte en votre présence et j'imagine que vous serez avec moi mercredi matin pour aller voir le premier forage, que nous avons lancé le 2 septembre et qui produit déjà 500 mètres cubes par jour. Nous irons le voir tous les deux ensemble mercredi matin.

Merci à M. Gumbs de nous faire confiance pour ce dialogue de la coconstruction. Il nous avait sensibilisés à la situation d'Action logement et a pu voir qu'il a été non seulement écouté, mais aussi entendu, comme je l'ai annoncé en arrivant sur le territoire. Les déplacements entre les bassins de vie sont en effet un problème. Si certains d'entre vous ont des suggestions à faire à propos du transport aérien, qu'ils n'hésitent pas. Je vous rappelle que le Gouvernement a massivement soutenu le transport aérien et que plusieurs compagnies ont bénéficié du soutien financier de l'État et des régions – La Réunion investit massivement dans ce domaine, avec près de 300 millions en moins de quatre ans. Il faut cependant tenir compte aussi des liaisons capillaires intrarégionales : comment se rendre de Guyane au Suriname, à Sainte-Lucie ou en République dominicaine, de Martinique en Guadeloupe ou de La Réunion à Maurice ? Je suis très conscient que le prix des billets est très élevé – je me suis renseigné voilà quatre jours.

Le rayonnement géopolitique que nous recherchons pour tous les territoires de l'océan Indien, de la Caraïbe et de Polynésie exige une nouvelle politique de transport aérien. Nous formulerons des propositions et j'ai d'ailleurs déjà évoqué avec Clément Beaune le lancement de nouvelles modélisations pour remplacer celles qui sont aujourd'hui à bout de souffle.

Merci à M. Leseul d'avoir rappelé que la vie chère était au cœur de ses préoccupations en proposant une dépense de pas moins de 500 millions d'euros sur un amendement. L'augmentation de 400 millions du budget des contrats de convergence et de transformation représente un véritable effort.

En réponse à une question posée également par Mme Rousseau, je répondrai que nous augmentons de 1,6 million les crédits consacrés aux sargasses, ce qui les porte à 6,4 millions. Le 2 décembre, à Doha, ce problème majeur, que nous ne pouvons pas régler seuls, fera l'objet d'une initiative à l'échelle internationale. Il faut intervenir à la source de la création de ces sargasses, que nous avons identifiée autour des fleuves concernés. C'est nous qui avons créé le groupement d'intérêt public (GIP), et la France joue un rôle de tête de pont en la matière, finançant 60 % de l'effort international consacré aux sargasses. J'ai constaté la semaine dernière qu'il s'agit d'une véritable endémie et j'irai plaider pour qu'il y soit porté remède. Comptez sur mon engagement.

Quant à la valorisation de ces sargasses, madame Rousseau, elles peuvent parfois, en effet, être utilisées dans la méthanisation et nous allons voir comment y parvenir. Nous nous attacherons donc à couvrir la source, le traitement et la valorisation de ces déchets.

Merci à Mme Poussier-Winsback d'avoir bien voulu noter les efforts que nous avons faits notamment pour la construction de logements, la continuité territoriale et les mobilités. En Guadeloupe, je suis assez fier que, pour la première fois, l'État, la région et le département aient défini ensemble une planification et des dates. Vingt-cinq opérations ont été prévues, avec une triple signature et un engagement sur une clause de revoyure : tous les mois se tiendra – je le dis en pensant à M. Kamardine – un conseil de l'eau, auquel participeront tous les acteurs concernés en Guadeloupe. Nous explorons là une nouvelle voie, que j'appelle de mes vœux en espérant qu'elle nous permettra aussi d'avancer ensemble à Mayotte. Le régime est donc un peu sévère, mais l'enjeu est important.

Merci également d'avoir rappelé les capacités financières en jeu.

À propos de la sécurité, j'ai donné des éléments en répondant au rapporteur pour avis. Même s'il les trouve insuffisants, il aura pu constater que l'augmentation était réelle et que des moyens ont été mis sur la table.

Madame Rousseau, vous avez évoqué l'appel de Fort-de-France et le Ciom du 18 juillet 2023, qui sera décliné sous la forme que j'ai exposée. Quatre rendez-vous seront donc proposés d'ici juillet 2024 aux parlementaires pour faire vivre le Ciom – mais pas seulement. Sur les 200 mesures proposées pour ce dernier, 72 ont été retenues et nous pourrons donc élargir ainsi nos réflexions. C'est là une démarche assez nouvelle. Comptez sur moi pour aller jusqu'au bout.

Les énergies renouvelables représentent 60 % de la production et les outre-mer dépassent désormais l'Hexagone, avec l'objectif d'atteindre en 2030 un taux d'émission de gaz à effet de serre égal à zéro.

Pour ce qui est du chlordécone, j'ai présidé une réunion sur ce thème voilà trois semaines à la Martinique. On sort enfin de ce drame et j'ai utilisé à ce propos, ce matin encore, des mots très forts devant les agriculteurs. Le plan Chlordécone, doté de 93 millions, commence à être bien accepté par les acteurs. Les associations étaient présentes à cette réunion et un chemin de confiance commence à se bâtir, qui devra être solidifié au fil du temps. J'ai pleinement confiance et j'ai trouvé l'assemblée plutôt apaisée sur cette question. Il faut toutefois une réparation, car le manque de transparence est scandaleux. Il existe désormais des prises en charge et je rappelle que toutes les analyses de terre et de sang sont gratuites et que les dossiers sont montés dans les mairies. Une convention a été conclue avec l'association des maires, notamment en Martinique, afin de pouvoir avancer – j'y tiens particulièrement. Vous avez rappelé à juste titre que 80 % de la biodiversité se trouve dans les territoires ultramarins, et 15 % dans les coraux. J'ai pu constater avec joie en Polynésie qu'un organisme de recherche français, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), était en mesure de trouver des solutions.

Les déchets sont un problème très difficile et on peut déplorer dans de nombreux territoires ultramarins l'absence d'usines de traitement des ordures ménagères. Ce n'est toutefois pas vrai partout : Saint-Barthélemy a ainsi adopté un système très efficace, comprenant une cogénération et Bois-Rouge, à La Réunion, utilise également une cogénération très intéressante. Dans d'autres territoires, en revanche, nous sommes dans l'impasse, alors qu'il faudrait avancer.

Monsieur Rimane, je répondrai par écrit à la question très précise que vous m'avez posée. Si je vous ai bien écouté, l'inflation serait plus importante dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone, mais cela ne correspond pas aux chiffres dont je dispose. Je propose donc que nous confrontions nos données et je m'engage devant le président de la commission à vous transmettre les miennes.

À propos de la LBU, vous avez, comme M. Nilor, insisté à juste titre sur le rattrapage. Vous avez rappelé que la Guyane a la taille du Portugal ou de la grande région Nouvelle-Aquitaine, ce qui la distingue fortement de territoires plus petits, comme la Martinique ou d'autres. Sa population vient pour 35 % de Haïti, du Suriname et du Brésil. Cette population très jeune – 50 % ont moins de 25 ans – rencontre un problème de foncier majeur. Le niveau des eaux s'est encore dégradé ces derniers jours, de telle sorte que certaines navigations ne sont plus possibles. Pour l'achèvement de la route de Maripasoula, nous devrons trouver des solutions ensemble. J'ai été interrogé à ce propos pas plus tard que ce matin et votre amendement me semble pertinent. Je suis donc persuadé que nous aboutirons.

En Guyane, l'école connectée, à laquelle nous avons consacré 800 000 euros, est une belle initiative, qui permet aux enfants de quatre villages distants les uns des autres de deux heures et demie de pirogue de bénéficier d'un enseignement. Le développement du numérique le fort engagement des enseignants nous ont permis de commencer à apporter une réponse, qu'il convient de multiplier sur le territoire. Vous trouverez en moi quelqu'un qui vous y aidera.

Monsieur Lenormand, vous avez eu raison de souligner la stabilité du budget. Vous avez également cité le chiffre de 70 000 logements indignes présentant des problèmes d'insalubrité et vous avez insisté sur ce que nous faisons pour assurer l'accès à l'eau. J'ai évoqué à ce propos la Guadeloupe et Mayotte, mais il faudra très probablement parler aussi de la Guyane. Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, j'ai déjà reçu les délégations et vous-même, et je m'y rendrai dans quelques jours. Je reviendrai vers vous pour évoquer un sujet qui n'a pas encore fait l'objet d'un arbitrage, mais pour lequel j'ai bon espoir d'y parvenir.

Le CCT passera de 19 à 25 millions : si minimes soit-elle, il y a donc déjà là une augmentation.

Le problème de l'ancien hôpital ne m'a pas échappé, pas plus que celui des normes. Le 15 mars 2024 seront définitivement adoptées les normes applicables aux régions ultrapériphériques (RUP), qui se substitueront aux normes CE. Cela ne suffira pas, mais ce sera déjà un élément très structurant car on transporte parfois des matériaux sur 5 000 10 000 ou 20 000 kilomètres pour qu'ils portent l'estampille de l'Union européenne. Nous achevons de défendre au niveau européen cette norme RUP, attendue depuis de nombreuses années, et engagerons un travail de révision des autres normes, compte tenu du volet ultramarin que chaque ministre a accepté de voir figurer dans les nouvelles lois. Je serai attentif à cette révision des anciennes normes, car il y a là un important facteur de discrimination de compétitivité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion